Farhad Khosrokhavar est intervenu lors d’un colloque à Parole d’enfants l’année dernière pour faire part de sa construction sociologique concernant la radicalisation. Je vais tenter de partager ce que j’ai compris de son propos.

Pour Farad Khosrokhavar, il y a pour les jeunes qui se radicalisent une problématique d’indignité sociale, culturelle et anthropologique.

Ce sont des personnes qui se sentent indignes socialement, c’est-à-dire stigmatisées par la société qui est perçue comme un bourreau. Ces jeunes ont intégré très tôt des préjugés profondément ancrés concernant leur impossible accès à une citoyenneté active. La déviance devient à contrario un phénomène très tôt intériorisé, elle permet un sentiment de revanche sur la société qui leur a dénié le fait d’être citoyen.

Anthropologiquement, ce sont des jeunes confrontés à des fonctionnements patriarcaux sans pères. C’est-à-dire que seule la mère assure l’éducation et que le père a « démissionné ». Parfois un grand frère prend l’ascendant et se substitue à l’autorité du père par l’usage de la violence.

L’incarcération devient pour certains un lieu de socialisation.

La rencontre avec un islam identitaire, dans une volonté de s’affirmer dans une dignité provocatrice, dans un rapport de provocation vis à vis de la société globale, constitue un substrat anthropologique.

La volonté des actes terroriste est d’infliger l’indignité à des sociétés jugés coupables de l’avoir imposé. Ils se sont sentis jugés et condamnés alors ils jugent et condamnent à leur tour. De condamnés, ils deviennent juges. Ils étaient insignifiants, ils deviennent des stars.

Ces éléments me donnent à penser l’importance de favoriser et créer des temps de lien social et des temps de reconnaissance de la dignité humaine.

 

Pour aller plus loin :

  • La Radicalisation, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Interventions », Paris, 2014, 224 p.